vendredi 25 juillet 2008

Art Brut - De décoffrage - Article paru en mars 2006 dans Trax

Texte : Violaine Schütz

Art Brut
De décoffrage

Avec leur premier album, Bang Bang Rock & roll, les londoniens d’Art Brut font bien plus qu’aligner d’épatants hymnes de post-punk abruti, ils tordent aussi le cou à toute la vague du rock junkie nourrie au NME. Albion, comme on l’aime !

« Une fois, Carl Barat des Libertines est venu jouer avec nous sur scène, personne ne l’avait reconnu, on a failli le foutre dehors. Ce soir là, il y avait aussi Bez dans la salle ; Il parait qu’il a aimé le show » nous raconte, pas peu fier, le batteur d’Art Brut, Mikey B. Rien d’étonnant si la mascotte des grands Happy Mondays a apprécié les Anglais dégénérés. Il a simplement du reconnaître la famille, celle des grands empêcheurs de danser en rond.
Car les Art Brut, formés un peu par hasard en 2003, tiennent autant du groupe du dancing-rock urgent que de la satire sociale hilarante. « Mon petit frère vient de découvrir le rock’n’roll. Il a seulement 22 ans et il a perdu le contrôle/ Il n'écoute que des chansons qui disent : "Pourquoi nos parents ne se soucient pas de nous ?"/Ne touche pas au crack ! » braille le génial Eddie Argos sur « My Little Brother ».
Depuis Jarvis Cocker, parvenu il y a 10 ans à synthétiser les aspirations de sa génération, pour en extraire la « pulp », on n’avait pas entendu des textes -concernant les affres de la jeunesse- aussi intelligemment troussés. Bang Bang Rock & roll, le premier album d’Art Brut aligne en effet trente minutes de post-punk décalé qui sonne comme ce qui serait arrivé à The Fall si Mark E. Smith avait su écrire des paroles. Sur l’irrésistible single « Formed A Band », le dandy sarcastique dresse la genèse de son groupe en expliquant bien de quoi il est question : ici, la jeunesse parle à la jeunesse : « Et oui, c’est ma voix/Ce n'est pas de l'ironie/Pas du rock’n’roll / Nous parlons juste aux kids.»
Eddie (26 ans) raconte ainsi des tranches de sa vie intime qui peuvent parler à tout le monde. Il confie être toujours amoureux d’Emily Kane (le crush de ses 15 ans), avoir déjà eu du mal à bander («Je suis désolé/Ça ne veut pas dire que je t'aime pas/On essaie encore une fois avec moi au-dessus») et éprouver de temps à autres une envie de soleil (sur « Move to L.A », il raconte qu’il irait bien boire des coups sur une plage avec Axl Rose et Morrissey.)
Sur scène, Art Brut est aussi drôle que ses paroles. Lors de leur dernier concert parisien (à la Maroquinerie), le quintette se donnait à fond : le batteur germanique jouait debout et Eddie mouillait sa chemise (au propre comme au figuré) : haranguant la foule, pogotant dans l’audience, qui connaissait tous les titres par cœur…Leur prestation ressemblait au final à du grand n’importe quoi, un pastiche à peu près exhaustif de tous les clichés du rock.
Mais derrière la musique jouissive et les concerts comiques, Art Brut offre de la matière : « Parce qu’on aime le second degré, les gens croient que nos chansons sont des blagues » déplore le guitariste Jasper Future (un pseudo), mais je t’assure qu’on ne fait pas que déconner ». Outre la contestation d’un certain mode de vie anglais, Art Brut essaie de faire passer des messages. « Quoiqu’en dise Eddie dans les interviews, on n’a pas choisi notre nom au hasard. Il vient bien de Dubuffet. L’art brut c’est l’art des aliénés, des demeurés. Ca insinue que tout le monde peut faire de la musique (la preuve, nous on en fait !). C’est pour ça qu’on appelle les gens à former partout des groupes, et même à utiliser le nom Art Brut. » Très dada, très situationniste et surtout très punk, Art Brut vient à point nommé botter le rock anglais. Du coup, quand Eddie crâne sur « Formed A Band » : « On va écrire la chanson qui réconciliera Israël et Palestine (…) On la jouera 8 semaines à Top of the Pops », on y croit !

Bang Bang Rock & roll (Labels)
www.artbrut.org.uk

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