mercredi 30 septembre 2009

Cha Cha


Article paru dans le premier numéro du magazine de l'excellent Cha Cha club, Siamois,gratuit sur place

Ils ont changé ma musique ! Il y a dix ans, quand on était adolescent, il fallait choisir son camp et s’y cantonner sous peine de lynchage sévère à la sortie du lycée. Freak à lunettes de nerd écoutant de l’indie-rock, métalleux boutonneux à tee-shirt Slayer (ancêtre des « beaux gosses » de Riad Sattouf), racaille en herbe amateur de rap graveleux à tendance misogyne. Chacun sa tribu, sa famille, sa patrie, son clan et il était hors de question qu’un fan de dance fricote avec une amoureuse de Nick Cave ou que -pire que tout- que la groupie de Radiohead embrasse le beau surfeur qui écoute sur FG de la dance de supermarché. Dieu nous en garde, les meilleurs potes aussi. Depuis, Justice a écrit un hymne techno avec des chœurs disco-soul-r’n’b, tout en affichant un look clairement heavy-métal et playlistant France Gall dans ses sets, Yuksek ressemble à un étudiant en école de commerce à la mèche pop mais il fait des tubes techno qui passent même au Macumba et se paye le luxe de remixer la star hip-hop Booba. Quant aux jeunes pousses de l’électro (la fameuse french touch 2.0), ils mangent à tous les râteliers musicaux : r’n’b, krautrock, folk, pop, électronica. Il faut dire que Daft Punk, Soulwax et James Murphy sont passés par là. A l’heure des crossovers, tout le monde est dj sur deezer (ce qui rend d’ailleurs certaines soirées en appart absolument infréquentables pour peu qu’un des convives ait un faible pour Helene Segara) et n’importe quel kid de 15 ans peut avoir accès en une après midi à cinquante ans de musique d’un clic de souris. Avouons le : plus aucune barrière ne sépare le mainstream de l’underground : tout le monde veut payer cent euros pour voir Britney ou Madonna en concert, même le fan hardcore d’Animal Collective et le collectionneur de New Order. Symptôme de l’époque de paix exacerbée : il y a dix ans Phoenix choquait la France entière et déchaînait la critique avec un disque, United (2000), adepte de mélanges en tout genre. Aujourd’hui, leur mix de pop-rock-funk-dance aussi mélancolique qu’euphorique semble terriblement moderne et le groupe plaît à tout le monde, même à papi et mamie. Alors que faire, où se situe la rébellion quand il n’y a plus de chapelle mais une réunification des peuples sous la boule à facettes. Comment innover quand tout a été fait ? Contre qui ou quoi se révolter quand ton père te réclame les derniers édits de Pilooski au lieu de se concentrer sur les inédits de Georges Moustaki ? Certes, c’est un immense pas pour l’histoire de la musique de savoir qu’on peut aimer la musique classique au même titre que le rock de stade sans que personne n’y trouve rien à redire, ou qu’on peut sortir avec un fan de U2 sans mentir à son meilleur pote qui adore Mr Oizo parce que ces derniers ont été remixés par Fred Falke ou encore qu’on peut avouer dans un dîner, danser sur « Just Dance » de Lady Gaga parce que la blondasse eurodance a fait la couv’ des Inrocks. Mais, tout fan de Justice que l’on est, ne faut-il pas regretter le temps où aimer un groupe de house tropicaliste new-yorkais inconnu de tous nous isolait du monde entier, où on était le seul à chérir ce trio de post-rock bordelais car on avait trouvé le disque chez le disquaire du coin à 50 francs, où l’on se fâchait à vie avec un ami car il avait acheté le cd single de tube de l’été à la con. A l’époque, la musique était une affaire sérieuse. On n’était pas là pour rigoler. Hypemachine et les mp3 ont aujourd’hui tué le romantisme musical. Alors posons sérieusement la question : de quoi sera fait le son du futur ? Maintenant que toutes les passerelles ont été franchies, quelle sera la musique de demain ? Autres temps, autres mœurs, au XVIIeme siècle, quand ni Pitchfork ni l’ami Tekilatex n’existaient, Blaise Pascal écrivait à propos du reste de l’univers « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie ». Face à l’infini des possibles musicaux devant lesquels 2010 nous place, on pourrait affirmer que ces derniers nous effraient, autant qu’ils nous excitent...

Violaine Schütz


mercredi 2 septembre 2009

Papier paru dans le TSUGI n°16 - février 2009

Dix conseils aux producteurs pour sortir de l'ombre

Par Violaine Schütz

« Mais pourquoi vous ne parlez pas de moi ? » Cette question irritante, on l'a beaucoup entendu depuis notre arrivée dans la presse musicale. Mais contrairement aux idées reçues, il ne faut pas être forcément « fluo-glam-hype » pour retenir l'attention. En plus de tracks qui tuent, voici quelques trucs et astuces « à la con » qui ont pourtant fait leur preuve.

Adopter un nom racoleur

Simone elle est bonne, Sexy sushi, Pink Stallone, Minitel Rose, c'est toujours mieux que Dupont et Durand. Le mieux étant que le nom corresponde à la musique enfantée, à l'instar du groupe parisien post electroclah turbulent We Are Enfant terrible, menée par la jolie Clothilde. Cette dernière explique : « Je lisais un bouquin en anglais ou l'expression ENFANT TERRIBLE était utilisée en français dans le texte et je me suis dit que c'était une chouette expression universelle et que ce serait un nom de groupe terrible et facile à retenir. Par la suite, comme Enfant Terrible était déjà utilisé, on a rajouté « we are » devant pour devenir pour aboutir à We are Enfant Terrible », dont l'imagerie ressemble bien à ce joyeux bordel organisé qu'est devenu le groupe ».

Ni fait ni à faire : « The nazis sisters », à moins de faire du death metal skinhead.


Trouver un concept

Les cagoules de South Central, les lumières rondes à un « pound » de Metronomy, les masques de Daft Punk, le casque sur les yeux de Boyz noize, l'essentiel c'est de marquer les esprits. Et l'on écoutera toujours plus facilement un duo formé de deux frères jumeaux adeptes d'électro berbère et de lancer de nains sur scène, qu'un type seul derrière son laptop spécialiste du port de baggy et du low profile. Oui, la vie est injuste, mais Yelle attire plus l'œil du nerd en mal de libido dans sa son total attirail fluo, que lorsque sous le nom de Julie Budet, elle portait le cheveu long et le fûte informe.

Ni faire ni à faire : le groupe qui n'est qu'un concept comme tous ceux qui se contentent de deux sapes de chez farce et attrape et d'un Atari.

Écrire une fausse bio

On a beaucoup lu : « A commencé au skate park puis découvre cubase sur l'ordi familial ». Au bout d'un moment, on se lasse, comme d'un vieux disque rayé. Pour titiller la libido du journaleux fatigué, inventer vous une vie. A l'image des Residents qui avaient confié l'écriture d'une fausse bio au créateur des Simpsons, imaginer vous des accidents ou des faits marquants. OU carrément racontez la vous, comme le producteur No Kiss With Gloss qui affirme avoir refusé un baiser de Scarlett Johansson. Notre exemple favori reste celui de Cobra (www.myspace.com/06130enforce), groupe de punk français, qui affirme sur son myspace : « Outrage et destruction, tels sont les mots qui depuis 20 ans (le groupe s'est formé en 1984 à Grasse 06130) caractérisent le mieux le groupe Cobra. 20 années au cours desquelles Cobra (connu dans les premiers temps sous le nom d'Asterix au Pays du Blues) accumule albums brillants et concerts flamboyants. (...) Cobra sait parler aux jeunes, il sait aussi les écouter et les comprendre. Il faut dire que chaque acte du groupe est dicté par Lucifer. Plus encore, c'est bel et bien le Maître en personne qui s'exprime par leurs bouches, par leurs instruments, par leurs corps en transe. » Du lourd!

Ni fait ni à faire : rien, ici, tout est permis.


Devenir adepte du micro blogging (le fameux statut facebook)

Même si c'est devenue toute notre vie, ne jamais sous-estimer la force du net dans la réussite. Greg du duo parisien banger Make The Girl Dance raconte ainsi : « les obstacles pour réussir ce sont le parisianisme, les clans, ce côté très français de garder son cercle de potes fermé. Internet m'as permis de voir qu'il y avait autre chose derrière le périph' et que le matos que j'utilisais pouvais être différent de ce que je trouvais à Pigalle.» Mais Myspace, c'est du passé, so 2006 même. Le présent, c'est l'ami facebook, et surtout ses fameuses « punchlines ». Le must ? Annoncer dans son statut qu'on est en train de créer un pur morceau, ou qu'on donne un concert le soir même. Il faut aussi, si on veut percer bien sûr, créer des event facebooks où l'on invite tous ses meilleurs amis -virtuels- à venir découvrir live notre grande œuvre (entendre par là « démo »). Bien aussi, le réseau Twitter, où l'on trouve les Marseillais de Stereheroes, ou les français exilés à Londres, The Teenagers qui tiennent au courant tout le monde de leur activité en inscrivant des « statuts » rigolos.

Ni fait ni à faire : harceler son monde en envoyant 10 bulletins par jour façon spam pour élargir son pénis.

Bien emballer sa démo

A l'heure du mp3 où la plupart du temps on reçoit un zshare impersonnel, ou un lien myspace, on préféra à l'énième cd r à pochette photocopiée l'attention d'un objet cadeau. On se souvient ainsi, ému, de la berlinoise Miss Platnum envoyant ses mp3 dans une pochette de bonbons contenant une clé usb en forme de friandise au milieu de vraies fraises tagada, ou dans le même genre, du trio parisien post-punk Candy Clash, joignant à son maxi une sucette en forme de cœur. Le bel objet fait toujours son petit effet en période de disette (cette putain de crise) à l'image du « Tonight » de Yuksek et son format 45t, ou du mange disque orange des poppeux de ALB. C'est un fait avéré : le pauvre pigiste précaire aime les cadeaux.

Ni fait ni à faire : joindre au cd un préservatif au nom du groupe.

Etre gentil avec la presse

Le vieil adage « il faut coucher pour réussir » a la dent (pour ne pas dire autre chose) dure, et l'on sait que beaucoup de groupies mâles et femelles sont aussi dj's et musiciens. Mais l'idée est plutôt de payer un coup au journaliste, au blogger ou de complimenter sur sa mise le gars de maison de disques, sans en faire des tonnes non plus, plutôt que de l'alpaguer, de le harceler, voire de le kidnapper (la loi l'interdit) jusqu'à ce qu'il demande pitié et écrive, sous la torture, le précieux papier.

Ni fait ni à faire : Draguer le ou la journaliste pour avoir un titre sur le sampler Tsugi. Dans ce cas là, pensez à faire gigolo plutôt que Dj Hell.