jeudi 19 novembre 2009

Interview fleuve avec Joakim - Publiée dans Redux numéro 33 (automne 2009)

Joakim

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Propos recueillis par Violaine Schütz

Dj, producteur, patron exemplaire (du label défricheur et exigeant Tigersushi), musicien et remixeur hors-pair, Joakim franchit encore une étape dans sa réputation sans faille avec un quatrième album dense, éclectique et barré qui réconcilie tout et son contraire. « Milky Ways » ouvre la voie vers des pistes qui semblaient encore jamais avoir existé. Entre kraut-disco tribal, ballade prog rock shoegazing, pop bancale, les voies lactées tracées par Joakim sont aussi monstrueuses que fascinantes, illuminées que lumineuses. Tiendrait-on en lui le Brian Eno de la génération twitter ?

Que fais-tu en ce moment Joakim ?

Je viens de rentrer de Croatie, où j'ai passé huit heures montre en main, je suis arrivé, j'ai joué dans un festival assez disco et je suis reparti, sans dormir, mais c'était super.

Revenons sur tes débuts, tu as commencé à 6 ans la musique par le piano, il te reste des bribes de cette éducation musicale?

Je sais lire la musique, l'écrire s'il le faut, mais ça ne m'arrive presque plus jamais, et je savais jouer dans le temps, maintenant je suis rouillé. Je ne sais pas bien dire ce que ça m'apporte, j'ai la vague impression que ça m'a laissé une manière de faire des morceaux non « linéaire ». Quand je fais un morceau je ne peux pas m'empêcher de créer des événements à tout bout de champ, des accidents, revirements comme si je scénarisais la musique. Je crois que j'ai hérité ça de mon apprentissage de la musique classique qui propose une infinité de niveaux d'écoute par rapport à la musique « pop » au sens large.

Qu'est-ce que tes parents écoutaient à la maison quand tu étais enfant ?

De la musique classique principalement, et du rock, américain plutôt, genre Bruce Springsteen ou Johnny Cash, mais aussi les Rolling Stones (et surtout pas les Beatles). Ils avaient pas mal de disques plus bizarres que j'ai récupérés par la suite (tous les disques du label Mankin, dont les Taxi Girl, des trucs de krautrock..) mais ils ne les écoutaient pas trop, je pense que c'était pas mal de cadeaux d'amis à eux qui bossaient dans la musique.

Quels ont été les premiers disques qui t'ont marqué?

En réécoutant des vieilles cassettes que j'ai retrouvé cet été, je me suis rappelé que j'étais très fan de Jimi Hendrix, le Velvet et Led Zep quand j'ai commencé à écouter des disques par moi même. Ça m'a conduit au rock indie US, Sonic Youth, Pavement, les Pixies. J'écoutais beaucoup de blues à une époque aussi, genre Delta blues. En musique éléctronique, je pense que les deux disques qui m'ont le plus marqué au tout début sont les albums de DJ Shadow et de Motorbass.

Quel genre d'ado étais tu?

J'étais le mec un peu en marge des cools du lycée. Je pense que j'aurais aimé « en être », tout en méprisant assez toutes les conventions sociales adolescentes que cela impliquait (fumer des joints, porter des Vans), du coup je suis resté un peu à l'écart, en fond de classe. Je détestais aussi les booms et autres événements de socialisation adolescente et ne me serais jamais vu DJ dans un club. Ironie du destin.

Quel a été ton parcours? Tes études?

Bac C dans un lycée reculé des Yvelines, prépa HEC dans une prépa moyenne de Saint Cloud et finalement HEC. En parallèle, le conservatoire de Versailles, ce qui m'a valu -à tort- d'être associé à la scène Versaillaise à de nombreuses reprises.

Te souviens-tu du sentiment que tu as ressenti la première fois que tu t'es retrouvé face à un synthétiseur?

La première fois, c'est toujours un peu raté non? J'étais un peu dubitatif quand aux capacités de la chose, surtout que c'était un synthé très cheap qu'un ami avait curieusement laissé dans ma chambre. Jusqu'à ce que je me plonge un peu dedans et que je découvre le miracle du séquenceur. Une révélation. Mes penchants mégalomaniaques pouvaient enfin s'épanouir, je pouvais devenir chef d'orchestre et orchestre à moi tout seul...

Pour toi quelles sont les grandes différences, avec le recul, entre tes trois premiers album?

Pour moi il n'y a pas de grosse différence autre que le moment qui correspond à la création de ces trois albums, qui sont eux forcément différents. Il y a aussi une différence technique, car j'ai appris beaucoup de choses au cours des années que j'ai incorporées au fur et à mesure (les instruments, les nouvelles machines, le travail analogique, le live). Mais sinon, la démarche « artistique » est la même, je cherche. Les albums sont des étapes d'un travail, un « work in progress ».

Tu t'es inspiré du « sleeveface » pour faire la pochette, pourquoi avancer masqué ?

L'idée n'est pas d'avancer masqué, je n'ai pas de problème à me montrer si c'est nécessaire. Je dirais même qu'il y a une part ludique et créative dans le travail de l'image. En l'occurrence, je me suis juste fortement inspiré d'un artiste contemporain génial qui s'appelle John Stezaker. En gros j'ai pompé son principe et l'ai refait à ma sauce.

Pourquoi ce titre, Milky Ways ?

Parce que j'aime pas le lait mais j'aime bien l'espace.

L'album commence de manière très sauvage, conçois tu ta musique comme une catharsis?

Oui, du moins une facette de la musique peut être une catharsis, cette facette plus physique qui m'intéresse beaucoup. Mais j'ai mis ce morceau sauvage en intro aussi parce que c'est notre morceau d'introduction du live, et que je trouvais que c'était assez drôle de tenter d'effrayer un peu l'auditeur dès l'introduction du disque, comme si un cerbère en gardait l'entrée.

Je trouve ta musique complètement schizophrénique, voire plus encore, et cet album encore plus multi-facettes que tes précédents, mais en même temps plus homogène, est ce l'œuvre d'un esprit retors?

Je pense être un énorme control-freak qui cache un chaos intérieur bien enfoui (rires). A part ça, je déteste l'uniformité qui est un résultat de la simplification, pas en tant que telle, mais parce qu'elle est une norme absolue aujourd'hui. La société actuelle ne supporte pas l'hétérogénéité (le chaos?) et pratique le nivellement pas le bas dans tous les domaines, donc je me sens presque obligé de brouiller les pistes, de ne pas faire ce qu'on attend forcément de moi, de laisser libre court à mes idées musicales même si ça part dans tous les sens. C'est quasiment une posture politique. Je ne supporte pas l'enfermement (dans une case ou un genre par exemple), je suis claustrophobe. Ça correspond aussi à ma curiosité naturelle, je ne peux pas écouter un même genre de musique plus d'une heure, de même que je n'aime pas manger des pâtes tous les jours (j'aime beaucoup les pâtes pourtant), donc je ne vois pas pourquoi ce serait différent dans ma musique?

La dernière chanson est inspirée par William Blake, tu as vu l'expo qui s'est tenu à Paris au Petit Palais au printemps ?

Non, je n'ai pas vu la récente expo à Paris, mais je suis fan de longue date, de ses peintures et gravures comme de ses poèmes que j'ai découverts plus récemment. J'aime son côté mystico- fantastique, illuminé. C'est sombre et lumineux à la fois. Il devait être assez fou car il aborde des thèmes assez classiques (bibliques en particulier) mais d'une manière vraiment étrange. Ses poèmes sont aussi très mystérieux.

J'ai l'impression que tu as une manière très « artistique » d'aborder la musique, que ce n'est pas un divertissement, qu'en est-il réellement?

Bien sûr, je pense que la musique n'est pas un divertissement mais une nécessité pour ceux qui la font. Sauf si on fait de la musique « utilitaire », chose autrefois cantonnée aux musique dites d'illustration, de pub mais qui a finalement envahi beaucoup d'autres domaines comme la musique de club et même une bonne partie de la pop qui est faite comme des produits répondant à des besoins, ce qui bizarrement ne donne pas que des mauvais disques. Cette nécessité, ce besoin (insatiable et vital) peut ronger et détruire les artistes en fonction de leur personnalité, l'accouchement peut être plus ou moins difficile. Moi j'arrive à conserver une approche quand même assez ludique de la création...pour l'instant en tout cas!

J'ai écouté ton remix de Metronomy et celui que Metronomy a fait de ton single « Spiders », ça fait partie des groupes actuels que tu aimes? Que penses tu de l'état actuel de la musique « populaire »?

Oui, j'aime beaucoup Metronomy, mais en même temps je ne suis pas sûr que j'aimerai encore dans 10 ans. Pour moi c'est un problème, mais on pourrait arguer du contraire. Je pense qu'on est globalement trop habitués à des groupes qui ne durent pas, on est emballés pendant quelques mois et on passe à autre chose, je dis « on » parce que c'est presque impossible d'échapper à ce phénomène très consumériste de la musique. En un sens on peut dire que la musique n'est pas un bien durable (rires). Il y a une telle accélération de la diffusion de la musique que la machine s'est une peu emballé, les labels pondent des groupes qui sont immédiatement consommés, digérés et récyclés en un autre groupe, car qui dit consommation, dit destruction. Un groupe qui a un bon buzz n'a pas le temps de se trouver ou de faire ses preuves avant d'être projeté sous les feux de la rampe. En tant que musicien tu as le choix. Soit tu fais une musique identifiée et attendue ou plutôt désirée, c'est-à-dire qui correspond à un marché, et alors tu peux avoir un succès très rapide mais à priori peu durable. Soit tu ne te préoccupes pas des étiquettes et de ce qu'on attend de toi et alors ça prend du temps, parce que la presse par exemple n'aime pas ce genre d'artistes et parce que plus un « produit » est compliqué, plus il est difficile à marketer.

Qu'est ce que tu essaies de faire avec ton label, Tigersushi ?

J'essaie juste de trouver et aider des artistes qui en valent la peine. Vu que je n'ai jamais gagné d'argent avec le label, je vois ça comme une entreprise quasi humanitaire et un peu communautaire, on devrait nous déclarer entreprise d'utilité publique, non?

Tu sors cet album chez Versatile et pas chez Tigersushi, pourquoi ?

Je n'ai pas envie de sortir mes albums sur Tigersushi parce que ça deviendrait trop lourd à supporter, je ne veux pas m'occuper de la promo, distribution de mon propre disque, il est plus sain d'avoir un interlocuteur extérieur pour ses propres disques avec qui discuter, râler, échanger..

Si tu devais nous faire de la pub pour un groupe, ce serait lequel et pourquoi?

Je ferai de la pub pour un artiste maison. Et objectivement, pas parce que c'est un artiste maison, mais parce que je pense qu'il mérite vraiment d'être reconnu. C'est Guillaume Teyssier, son dernier projet s'appelait My Sister Klaus, qui est un très bon disque mais avec quelques défauts. Là il vient de faire la BO du film La Femme Invisible, et je pense simplement que c'est un des meilleurs disques de folk/pop fait par un français depuis belle lurette. C'est une BO, mais ça s'écoute comme un album, c'est très beau, avec des morceaux relativement écrits, d'autres extrêmement dépouillés, quelque part entre Jack Nietzsche, Angelo Badalamenti et les Goblins. C'est parfait pour passer l'hiver.

Tu étais en studio pour produire le troisième album de Poni Hoax, que peux-tu nous révéler dessus?

Que le batteur, Vincent Taeger, a perdu une paire de baguettes pendant une session!

Avec ton album, ceux de Krikor, Koudlam, Turzi et Etienne Jaumet, il semble y avoir une race de musiciens français qui essaient de complexifier les musiques électroniques (au sens large), que penses tu de ces sorties françaises décalées, une « scène » en devenir?

Effectivement, je pense qu'il y a pas mal de points communs à nos démarches respectives, mais on ne se connait pas tous, chacun évolue un peu dans sa bulle. C'est peut être dommage ou peut-être mieux comme ça, j'en sais rien.

Par rapport au moment où tu avais monté tigersushi.com, que penses tu de l'évolution du net, de l'importance de la blogosphère et de hypemachine? Comment utilises-tu personnellement twitter et facebook?

J'ai un ami qui m'a un jour parlé de la théorie des criquets, qui s'applique à internet : les internautes sont des criquets qui se jettent goulument sur les nouveaux sites, réseaux sociaux, web 4, et je ne sais quoi, et après quelques temps, passent à autre chose en ne laissant qu'un champ en ruine. Le long terme n'existe quasiment pas sur internet pour l'instant. C'est ce qui se passe réellement, Myspace est devenu ringard, Hypemachine est dépassé par Rapid Share et consorts, etc.. Internet représente une forme de libéralisme pur et dur, version fast-forward. C'est d'ailleurs assez comique de voir qu'il est général défendu par les pourfendeurs du libéralisme. Cela dit, en tant que musicien, c'est devenu quasi incontournable si on veut se promouvoir, ou simplement éviter que n'importe qui fasse des pages Myspace, Facebook et autres à votre place. Comme je suis nerd depuis ma tendre enfance, ça ne me dérange pas. Je trouve Twitter particulièrement intéressant, c'est minimaliste et direct, une nouvelle façon d'envisager le rapport entre artistes et fans. Par rapport à tigersushi.com, en gros on voulait faire un Deezer classe, pointu et didactique, mais à l'époque personne ne voulait entendre parler de streaming, mauvais timing...

Tu renvois l'image de quelqu'un d'exigeant, pas trop du genre à donner dans le mauvais goût (en marge de la tendance « reprise électro de la chenille »), de cérébral, comment tu te situes dans le monde de la nuit par rapport aux bandes déjà existantes ? Comment vois tu ta place?

Tu me demandais comment j'étais adolescent, j'imagine que les choses n'ont pas tellement changé. Les bandes c'est pas mon truc.. Mais j'aime bien cette position d'éléctron libre, ça me permet de participer à des projets avec plus de gens : je bosse toujours avec Fany de Kill The DJ, Versatile of course, j'ai sorti quelques morceaux chez Kitsuné par le passé, fait un remix pour Ed Banger, organisé des soirées avec Cosmo Vitelli, je joue aussi de temps en temps en duo avec Jackson. Je suis en relation libre en somme.

Milky Ways (Versatile/Module)

dimanche 8 novembre 2009

Thieves Like Us (article publié dans TSUGI n°14)

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Thieves Like Us
Association de bienfaiteurs

Texte : Violaine Schütz

Ce trio américano-suédois a volé son nom à une chanson de New Order et ont commis le crime d'un premier album de dance pop émotionnelle à contre courant des valeurs électro banger dominantes. C'est sûr, les Thieves Like Us nous veulent du bien.

A une époque où il fait mauvais être faible, fragile et pop, les Thieves Like Us prennent des risques. Leur premier album, Play Music, enregistré entre New York, Berlin, Vienne, Londres, Rio et Stockholm, est un disque d'exilé, d'outsiders, de rebelles, avec beaucoup d'histoires d'amour malheureuses, d'addictions qui rendent down, et de lendemains de teuf qui déchantent. On y trouve aussi des couplets et des refrains qui tuent comme on en fait plus depuis New Order, des paroles magnifiques, et des sons qui voient loin, croisant atmosphères shoegazing, électronica expérimentale, et pop émotionnelle avec un brin de groove hip hop et de prod disco. Bref, Thieves Like Us sont des marginaux, avec des ambitions démesurées et des chansons à la hauteur.

Il faut dire que leur histoire a débuté à mille années lumières des débuts classiques des groupes indie dance d'aujourd'hui. « On s'est rencontrés lors d'un pic-nic dans un parc berlinois en 2002, Andy jouait du Wagner sur son ghettoblaster, à fond, c'était quand même le compositeur préféré d'Hitler, ce qui faisait très mauvais effet sur nos voisins. Nous nous sommes aimés tout de suite peut être parce que nous étions tous les trois des exilés, Bjorn (claviers) et étant suédois et Andy, américain » raconte Pontus, batteur blond de 31 ans. « Quand nous étions à Berlin, nous étions totalement à l'ouest, poursuit Andy, le chanteur belle gueule du groupe. On a commencé à beaucoup sortir, à se droguer et à mixer. Nous étions de très mauvais dj's, on endormait les gens et on buvait beaucoup trop. Et puis on ne passait pas de techno, alors que les Allemands ne juraient que par la minimal super underground. Nous, on jouait les disques de Factory, de l'italo disco, du krautrock, du hip-hop, du Alan Braxe et pire : de la pop! Puis on a débuté le groupe car on trouvait pas de groupes électro bien à Berlin. Nos débuts ont été difficiles: aucun label ne voulait de nous, on a fini par déménager à Paris. »

Play Music porte les stigmates de ces débuts désaxés. « On a intitulé l'album Play Music pour dire qu'on joue avec de vrais instruments, que ce n'est pas juste un album laptop, prévient Andy. Si on devait avoir une mission, ce serait d'apporter un sujet et du sens à la musique dance. Ça date déjà de Peaches, qui fait ça très bien, mais les musiciens dance sont devenus paresseux. Ils ripent un logiciel, oublient d'écrire une mélodie, ne font pas appel à des instruments live et collent deux mots dessus. Ils n'ont rien à dire, or les paroles, c'est très important, c'est pour ça qu'on a imprimé les nôtres sur le disque. Personne n'a de paroles aujourd'hui, juste deux lignes. « Homecoming» des Teenagers c'est très fun quand tu l'entends la première fois, après ça devient ennuyeux, on dirait des disserts de lycée. Et puis côté musique, on se sent vraiment proche de personne. Justice? C'est du black métal pour machos catholiques, soit la musique la moins romantique du monde. Et la post-new-rave, juste de l'agression. »

Encore un truc qui prouve que Thieves Like Us ne sont pas un pas un groupe comme les autres : ils balancent un max!

Play Music (Sea You records)
www.myspace.com/thieveslikeus

Une nuit avec Philippe Katerine (publié dans le TSUGI n°4)

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texte de Violaine Schütz

L’inénarrable Katerine, chanteur-compositeur-réalisateur et dessinateur compte prochainement se présenter aux élections législatives. Son parti épicurien (le premier sur Paris) a pour programme les 3 « B » : bouffer, boire, baiser. « Il y aura plein de monde. Et pas que des lumières, crois-moi ! » Après une nuit avec lui, on adhère tout de suite.

A 18h j’aime bien regarder un film. C’est mon heure pour regarder un film. L’autre jour, j’ai regardé Dodge Ball avec Ben Stiller, un long métrage sur la balle au prisonnier, vraiment débile comme j’aime bien. A 18h j’apprécie un truc débile. Et j’aime bien regarder des gens qui bougent sur un écran. Il faut être accompagné à 18h, j’aime pas être seul à cette heure là, surtout pas. Après 18h, j’ai horreur de la solitude, l’aprèm ça me dérange pas.

Après vers 20h, apéritif, avec ma fille de 14 ans. Ma fille je la fais boire, bien sûr, énormément pour qu’elle se couche tôt, et qu’elle s’endorme tout de suite. C’est comme ça que j’envisage l’éducation. Si je suis avec un ami, on picole en parlant du film et en refaisant le monde. A 18h, je suis plutôt vin blanc, surtout pas de couleur. Il faut exclure le Jet 27 ou le Martini, donc. Clope sur clope, au moins trois ou 4 d’affilée. Après parler, parler, beaucoup parler. Il y a un énorme besoin de parler.

Ensuite, il faut manger. J’aime le restaurant. Je mange seul sur le zinc, dos à la clientèle, devant les garçons, habillés de blanc. Il faut que ce soit blanc la nuit, d’où le vin blanc, et j’ai mes adresses où les garçons sont en blanc.

Fin de soirée, j’ai besoin d’écouter de la musique. Surtout pas seul. J’appelle un camarade pour qu’il en écoute avec moi parce que seul je ne peux pas. Je lui dis : viens, on écoute de la musique. S’il est libre, on se fait un petit disque. The Go Team ! ou Bach. Surtout ne pas parler. Il peut y avoir de la danse ou de la substance ; Période blanche ! Et après on parle jusqu’à point d’heure d’un disque, mais tu sais, quand on parle d’un disque, on parle de tout, donc ça peut aller jusqu’au bout de la nuit. Parler d’un disque nous amène à nos situations sentimentales, professionnelles, psychiatriques.

Minuit. On peut appeler un autre camarade et commencer à danser car on est énervés d’être dans un fauteuil. Il y a un besoin de bouger. Alors là, j’ai une balle chez moi. On se fait un foot dans le couloir. Ca fait beaucoup dégâts, on met l’appartement à sac, mais c’est pas grave. Le sport, ça peut durer une heure. C’est la régression complète.

1h, c’est l’heure de la douche collective obligatoire. Après on s’embrasse, c’est mignon comme tout ; Je leur montre mes habits, on s’échange des habits-plutôt que des avis-, on se déguise.

A 2 h, on sort en boîte. Au Baron ou au Paris Paris. Je mets une fausse barbe ou une petite cape blanche. Je ne danse pas sur tout. Ah non. La chanson française, j’aime pas trop. Je danse sur le disco, les Bee Gees ou des choses plus minimales, comme de l’italo disco. Ca fait rêver. T’as l’impression d’être au Mexique. Alors là, c’est Pina Colada. Blanc toujours.

A 6 h, une fois que j’ai bien dansé, je rentre à pied, peut importe où je suis. Ce que j’aime c’est voir les gens qui vont travailler. Ils ont un objectif et moi non. Et ça, ça me plaît beaucoup. Ce sont des grands moments, délicieux. Car ils vont plus vite que moi, l’éternel touriste. C’est là que mon corps me dit : « va te coucher, s’il te plait ».

Ce que j’aime bien au petit matin, c’est la limonade. Après, je vais dormir chez moi, nu et fais des rêves géniaux. Je rêve d’enfouissement : je suis caché dans de la neige ou un bain de lait, un truc blanc et j’observe des gens en train d’avoir des accidents. Et ça me fait marrer. T’es ridicule quand t’as un accident ; Oui, j’ai de la cruauté en moi et faut pas la retenir. La cruauté, il faut la choyer.

Studio Live (Barclay/Universal) //// DVD Border Live (Barclay/Universal)