jeudi 29 juillet 2010

Lonelady Interview - Paru dans le magazine TSUGI de mars 2010

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Lonelady

La dame noire

Texte : Violaine Schütz

Les cheveux de La Roux, le franc parler du Gossip et la noirceur galvanisante de The Horrors, Julie Campbell alias Lonelady a tout de la « next big thing ». Mais la Mancunienne signée chez Warp ne jure que par The Fall, Wire et le côté sombre de la force. Rencontre avec une cavalière solitaire.


Tu es une femme qui fait du rock sur un label où on trouve en majorité des hommes et de l'électronique, comment vis-tu ta signature chez Warp?

Ça doit être mon côté « seule contre tous », « lonelady » (rires). J'ai choisi ce pseudo pour signaler l'idée de chasseur solitaire mais aussi pour l'idée du masque. Si je m'étais appelée Julie Campbell, tout de suite ça faisait chanteuse qui se prend au sérieux. Lonelady, c'est quand plus soft, et mystérieux.


Tu es chanteuse et guitariste, as-tu toujours voulu être musicienne ou du moins artiste ?

Enfant, j'étais persuadée que je ferai quelque d'artistique plus tard parce que je passais des heures à dessiner dans mon coin et que tout le monde trouvait ça un peu bizarre. J'ai choisi des études d'art à l'université que j'ai fait durer le plus longtemps possible pour ne pas avoir à me confronter au monde réel. J'étais bien contente d'avoir ce prétexte pour pouvoir continuer à apprendre des choses et à être créative sans qu'on me tombe dessus. Je jouais dans un groupe et organisais en même temps des expositions de mes dessins, peintures, sculptures. Et j'écrivais des poèmes dont certains publiés dans des revues d'art obscures dont une montée avec mon frère, et assez peu rentable. Tous les boulots que j'ai eu comme rentrer des données sur informatiques sur un ordi m'ont rendu dingue. Je n'ai jamais réussi à avoir un job à plein temps...


Et pourquoi avoir choisi la musique alors au final, et pas les arts plastiques ou la poésie ?

Écrire des poèmes et des paroles, c'est la même chose : tenter de traduire de l'intimité confuse en quelque chose de plus abstrait, d'un minimum universel et de pas trop cru. Pour la musique, en fait, je me suis retrouvée à un moment, en 2005, avec une boite à rythme et une guitare seule chez moi, avec pas grand chose à faire. J'avais un quatre pistes et j'ai pu faire des enregistrements très vite. Avec mes maquettes diy assez cheap, j'ai démarché les magasins de disques et les bars pour y jouer. Je ne pouvais pas faire de concert en dehors de Manchester car j'avais ni permis de conduire. Il me semble même avoir passé, désœuvrée, une petite annonce sur myspace à ce moment là pour trouver un chauffeur (rires).


Tu as grandi à Manchester, à quel point ça a influencé ton premier album, Nerve Up?

Je suis née là bas, j' y ai toujours vécu, et je compte pas me casser d'ici de si tôt. L'histoire musicale très riche de Manchester est omniprésente, mais en filigrane. Les Mancuniens ne sont pas dans la commémoration visible. La ville a beaucoup changé, tout a presque été détruit de cette période. Je ne voulais pas enregistrer l'album dans un studio normal et j'ai cherché partout un immeuble où je pourrais me reconnecter avec cette atmosphère passée. J'ai finalement trouvé une sorte de bunker, un moulin vide près d'un canal. J'y ai enregistré le disque seul, pendant 21 jours, avec quelques visites de Guy Fixsen, qui a produit l'album (et aussi les Breeders, Stereolab, My Bloody Valentine, ndr). J'y ai construit un studio complètement isolé de mes mains, dans lequel j'enregistrais dans le noir et le froid pour arriver précisément au son que je voulais.


C'est quoi la grosse différence entre Manchester et Londres?

Si j'avais vécu à Londres, je n'aurais rien enregistré. L'industrie londonienne est une machine écrasante où les médias et l'aspect financier règnent en maitres. Tu es obligée de penser à la réception d'un morceau, à son audience potentielle et à comment tu te situes dans la scène actuelle au moment même où tu l'écris, à Londres, ce qui perturbe la donne dès le départ.


Et que penses tu de la musique anglaise d'aujourd'hui?

Tous les groupes se ressemblent. Il y a quelques années, tous voulaient être les nouveaux Joy Division, puis les Libertines, et ensuite les Arctic Monkeys. Les labels veulent signer des émules des derniers groupes qui marchent pour diminuer les risques et vendre tout un idéal de vie autour d'eux. Je lis pas le NME parce que ça me déprime. Au départ on fait de la musique parce qu'on se sent différent et au final on tombe dans l'uniformisation.


Ton album reflète des influences très 80's, pourquoi es-tu si attachée à cette période?

J'aime l'anxiété « nerf à vif » contenue dans cette période musicale de la fin des 70's et du début des 80's. Les sons de guitares nerveux du post-punk, la brutalité de Pil, The Fall, Gang Of Four et Wire (dont Julie a depuis assuré les premières parties anglaises en 2008, ndr), les premiers REM, A Certain Ratio, Joy Division, Pylon. Ces groupes avaient de l'énergie dans leur désespoir, du panache, de la flamboyance. Ce n'était pas de la musique « facile ». Mais il m'arrive aussi d'écouter Judy Garland (rires).


Qu'attends-tu exactement de la publication de ce premier album?

Je ne cherche pas à devenir quelqu'un ou la nouvelle Lady Gaga (de toute façon j'ai pas le look de l'emploi). Cet album n'est qu'un documentaire de quelques années de vie, mais qu'il entre chez quelqu'un qui l'achète (parce que sans être contre la technologie, il y a plus bandant que télécharger une chanson) et fasse partie de ça vie, rien que ça, ce serait déjà pas mal.


Nerve Up (Warp)

www.myspace.com/hiholonelady