Empire Of The Sun
Texte de Violaine Schütz
Après Modular et les Midnight Juggernauts, l'empire australien a enfanté d'un autre fantasme hype : Empire Of Sun, groupe à la fois fluo, électro, pop et cosmique. Mais derrière le make-up outrageant et le discours fumeux, ces MGMT version 80's ont plus de tubes dans leur besace à franges et paillettes. Rencontre aux allures de LSD trip avec deux androïdes d'une nouvelle ère.
A quoi ressemble le son de 2009? Très exactement à Empire Of The Sun, duo australien formé en 2007 par Luke Steele (guitariste et chanteur des très bons Sleepy Jackson) et Nick Littlemore (moitié des excellents Pnau), dont le premier album, Walking On A Dream, résume à lui seul toutes les tendances du moment. On y trouve les mélodies d'électro-pop baléarique plaisantées par tous les hipsters, une production 80's très léchée proche dans l'esprit de celle tentée à Nantes autour du blog Valérie (Minitel Rose, Anoraak), et en Australie par le label Modular et surtout cette volonté si post-moderne de remettre au goût du jour des références de très mauvais goût comme Fleetwood Mac, ou-pire- Kajagoogoo. on comprendra pourquoi, le premier album de l'Empire du soleil, s'impose comme le fantasme ultime et éblouissant du branché moderne qui n'hésitera pas d'ailleurs pas à crier aux « nouveaux MGMT ». D'un autre côté, on comprend bien comment Empire Of The Sun, et son délire costumé « boule de cristal-tigre du bengale-mocassins blancs-patchouli-voix lactée» va s'imposer en cauchemar absolu pour le nerd fan de fugazi ou l'amateur d'électonica mentale et pointue ; Mais le propos d'Empire OF The Sun n'est pas de complexifier la pop musique, à la manière d'un Metronomy ou d'un Hot Chip, mais plutôt de renouer avec une certaine notion de l'amusement, du divertissement et de la musique comme spectacle étonnant. C'est la grandiloquence de Bowie quand il inventait un personnage, le show-off des séquences déguisées et maquillées hilarantes de Phantom Of Paradise et Rocky Horror Picture Show, le ridicule des pires heures du glam rock et surtout, tout le mouvement néo romantique des années 80, que les deux zinzins australiens d'EOTS ressuscitent en trente minutes chrono d'interview de visu. A la manière d'un Adam Ant, qui à travers ses costumes de pirate new-wave apportait à une pop FM devenue chamallow un peu plus d'imagination, de folie, et d'excentricité, interviewer Empire Of The Sun, c'est retenir une crise cardiaque par seconde face à un décorum -sans doute un peu calculé- aussi et kitsch et flamboyant qu'hors du commun. Dans un cadre parfaitement adapté-le très rococo hôtel Murano, ses crocodiles en plastoc, son faux feux de cheminée, ses moquettes d'ascenseur strassées- le duo reçoit en toute simplicité dans une chambre avec piscine sur la terrasse. Assis sur le canapé blanc, Nick (programmation), sosie du beau gosse de MGMT, quelques cheveux blancs en plus, porte une djellabah de velours noir brodé, et une volumineuse coiffe de plumes indienne, sur des baskets et un jean. Plus fort encore, Luke (chant, guitare) se tient à ses côtés, paré d'un maquillage futuriste très San Ku-Kaï, de cheveux blond platine en pétard, d'un caftan rose fuchsia, de pendentifs hippies fleuris, de pantoufles et -pour couronner le tout- d'une énorme tiare dorée à pompons oranges. Tout en finesse, à l'image de leurs photos promos dignes des meilleurs tableaux d'héroïc fantasy à licornes abandonnés chez Emmaüs. On ne pouvait donc dignement pas s'attendre à ce que leurs réponses soient fades, ou sensées.
Vous souvenez vous précisément de votre première rencontre?
Nick : Oui, très bien. La première fois que j'ai rencontré Luc, c'était en 2000, à Sydney, et il portait tout le temps une grosse valise en cuir avec lui, qu'il ne lâchait jamais à tel point que je me demandais ce qu'elle pouvait bien renfermer. Il n'arrêter pas de faire des pauses pour regarder ce qu'il y avait dedans; Au bout d'un moment, je lui ai demandé si je pouvais jeter au œil au contenu. Il l'a ouvert, et dedans, se trouvait une mini forêt tropicale avec des petites grenouilles vivantes et des petits arbres luxuriants. C'était totalement incroyable, magique. Le jour d'après on a commencé à bosser ensemble dans mon studio et il avait encore sa valise. Je lui ai demandé si il avait amené les grenouilles avec lui. Il m'a dit « non, pas aujourd'hui ». J'ai vu que la valise brillait, il l'a ouverte, et c'était comme une boite à musique recréant une mini discothèque avec de la musique électronique. Et à chaque fois que je l'ai revu les premières années, il avait toujours un truc différent dans sa valise, c'est ce qui m'a fait comprendre que je voulais vraiment faire de la musique avec lui.
Quels genres d'ados étiez vous?
Nick : J'étais très timide et j'avais peur des filles. J'avais même pas de sœur, alors je ne savais pas ce que c'était. A la place, j'avais un grand frère vraiment bizarre, un gothique, avec de longs cheveux noirs. Dès l'âge de 14 ans j'ai commencé à faire de la musique pour m'occuper parce que je me faisais vraiment chier dans la vie.
Luke : Moi j'étais un ado pas cool du tout, personne m'invitait aux fêtes organisées par l'école. A lors j'avais crée un studio au sous sol de l'appart de mes parents appelé le donjon dans lequel je descendais avec mon quatre pistes et une caisse de six bières; C'était mon secret, j'invitais personne au donjon. Et surtout pas les kids cool.
Quand avez vous su que la musique deviendrait toute votre vie ?
Luke : Mon père était musicien, et il l'est toujours, (il s'agit du chanteur de country-blues assez ringard Rick Steele, ndr).Quand j'avais 12 ans, il restait au pub jusqu'à pas d'heure et parfois il m'amenait avec lui. Il y avait aussi toujours plein de jolies filles partout où on allait, des pédales d'effet à la maison et on faisait des trucs géniaux comme aller pécher dans l'Est de l'Australie, ensemble. Ça ma donné envie de cette vie là : rester éveillé jusqu'à six heures du matin, en buvant des bières.
Nick : Quand j'ai eu 11 ans, j'ai eu une caméra en cadeau, puis j'ai commencé à filmer un peu n'importe quoi. J'avais tout un tas de films expérimentaux, et je voulais une bande son. C'est alors que j'ai débuté dans de la musique totalement inaudible, conceptuelle et bruitiste avec des boîtes à rythme.
Et votre album pourrait justement être une bande-son de film?
Nick : Exactement! D'ailleurs, dès qu'on a commencé à enregistrer l'album, on a pensé à faire un film en même temps. Pour nous, le cinéma est la forme d'art la plus globale et le son est aussi important que l'image dans notre démarche. C'est pour ça qu'on a tourné le clip « Walking on a dream » à Shanghai, et d'autres scènes au Mexique, avant d'aller en Islande, à Las Vegas et en Afrique. Le tout formera un film initiatique dont l'inspiration première est La Montagne Sacrée, d’Alejandro Jodorowsky (1973). On y voit une sorte de Christ nu en quête de lui-même. Mais on est aussi très inspirés par l'univers de Peter Greenaway, Chris Marker et Truffaut. On a pensé l'album comme un scénario avec diverses séquences qui constituent les étapes d'un voyage particulièrement épique et coloré. Un vrai road movie spirituel! Notre album es une histoire, pas une collection de chansons!
Et Empire Of The Sun, c'est un long métrage de Spielberg, adapté de J.G. Ballard, c'était pour le film ou le livre que vous avez choisi ce nom?
Nick : Pour aucun des deux, c'est par rapport à la puissance du soleil, qui nous accompagne partout, et fait partie intégrante de toute notre existence. (A ce moment là, un rayon lumineux envahit la chambre). D'ailleurs, est-qu'on peut se déshabiller? (il fait très chaud tout d'un coup. Ils enlèvent leurs couvres chefs respectifs. Et boivent un peu de vin blanc.)
Tsugi : Allez-y, je ne tourne pas de film.
Nick : Tu veux prendre un bain dans la piscine? (Je décline poliment l'invitation pendant que Luke trempe un pied dans l'eau qui a l'air glacée, ndr)
Vous semblez vouloir délivrer un message à travers votre musique un peu mystique, quel est-il ?
Nick : On veut faire quelque chose qui n'a jamais été fait, et dépasse tout ce qui existe. Nous avons crée des personnages et tout un empire qui va avec. On veut changer le monde grâce à notre musique et ce qui l'entoure, y mettre un peu plus de pureté, de joie et de spectaculaire!
Walking On A Dream (EMI)
www.myspace.com/empireofthesunsound